Si la majorité des élèves sont charmants, une petite quarantaine d’élèves font régner l’anarchie dans tout le collège en toute impunité… ou presque. On sent la direction et la vie scolaire particulièrement démunis devant l’augmentation constante des insultes et menaces vis à vis des adultes, des dégradations diverses, des « chapes » (c’est le mot d’ici pour dire « sécher un cours » et c’est devenu un vrai sport pour les élèves), des bagarres et des refus systématiques de travailler ou de s’asseoir en classe. Les surveillants sont jeunes et inexpérimentés… Par exemple, quand on colle les internes et qu’ils ne se rendent pas dans la salle de colle… personne ne va les récupérer… on les recolle le mercredi d’après… et ils ne viennent pas non plus. Les moyens de pression sont quasi inexistants : si on exclue à la pelle les externes et demi pensionnaires, on ne peut presque rien faire pour les internes (car les exclure, ça veut dire les renvoyer une semaine sur leur atoll en avion… et personne ne prend en charge le billet d’avion… sauf en cas de situation critique… et je peux vous dire qu’ils font tout pour que leur situation soit critique… et qu’ils rentrent … enfin...chez eux, parce que c’est bien ça qu’ils veulent… et on peut les comprendre !).

Bref, tout les adultes de l’établissement se démènent, testent des choses, essaient de lutter… mais on se fait tous lentement déborder par la situation… et on n’est qu’en octobre !

Sur mes 3 groupes, 2 sont charmants, mais le petit groupe de 3 affreux que je prends 10h par semaine est devenu ingérable (c’est souvent ce qui arrive quand on met 3 des plus gros caïds du bahut ensemble… et s’ils sont chez moi, ça veut quand même dire qu’ils ont pas vraiment inventé l’eau chaude… rajoutez les hormones et vous obtenez un mélange explosif digne d’un ITEP… mais sans les moyens et sans le personnel).

Bref, les 2 garçons ont menacé de taper sur Jules pour se venger, parce que je les oblige à bosser. (Cherchez l’erreur!) Ça leur a valu 3 jours de renvoi et je me suis déplacée dans les familles pour essayer de rencontrer les parents ( une des familles a semblé franchement surprise et a promis d’intervenir...et je n’ai jamais réussi à voir l’autre famille (je vous raconterai une autre fois les conditions de vie de certains polynésiens, mais certains bidonvilles n’ont rien à leur envier).

Le lundi suivant, les garçons reviennent en cours et au bout de 5 minutes, ils me déclarent que c’est la dernière fois que je viens chez eux et que la prochaine fois, ils me taperont dessus, me lâcheront dessus le pitbull et qu’ils vont me manger (eh oui, dans leur petite tête d’ados, ils pensent que les popas ont encore peur de se faire « manger » par les polynésiens… j’avais bien dit qu’ils étaient pas bien futés). Du coup, renvoi d’une semaine et dépôt d’une main courante à la gendarmerie (fallait pas exagérer!)….

Voilà, ça vous donne un aperçu de ce que je vis au quotidien. Et mes collègues pourraient vous raconter le même genre d’anecdote….

Ah oui, et pendant leurs exclusions, un des mecs n’a rien trouvé de mieux que de cambrioler une des pensions (quand je l’ai croisé dans la voiture des gendarmes, encadrés par 4 grands gaillards et la queue entre les jambes… j’avoue avoir ressenti une satisfaction intense… c’est moche, mais légitime!)

Ne vous inquiétez pas, personne ne touchera à Jules (c’est avant tout de la grande gueule pour essayer de m’intimider et me faire craquer… ils aimeraient tellement que je les laisse faire ce qu’ils veulent… c’est mal me connaître, mais c’est un combat compliqué et usant)

Voilà, ils reviennent en cours lundi… je serre les dents en imaginant ce qu’ils vont encore m’inventer…Je ne vous raconterai pas la suite, parce que ça suffit comme ça ! Mais vous comprendrez bien que toute mon énergie du moment va à essayer de trouver des solutions pour remédier à cette problématique….